Aujourd’hui, c’est philosophie du sport ! Vous avez deux heures 😉
Faut-il s’entraîner pour se muscler, ou pour être heureux ? Drôle de question qui oppose deux visions du sport. L’une où le sport permet d’arriver à un but précis : des muscles, qui eux participent au bonheur, éventuellement, par l’intermédiaire de résultats esthétiques et/ou sportifs. Et une vision où le but direct du sport serait le bonheur, et impliquerait une pratique plus douce, plus raisonnée et raisonnable, sans douleur ?
Dans le premier cas, je pense tout de suite aux expressions du type “il faut souffrir pour être belle”, ou encore “no pain no gain”, qui évoque le fait que si l’on veut quelque chose (ici, des muscles, que ce soit dans un but esthétique ou dans un but de performance), il faut souffrir. Faut-il vraiment passer par la souffrance pour atteindre la beauté ? La performance ? Le plaisir ? Peut-on les réconcilier ?
Dans le second cas, je pense tout de suite à une autre vision de l’entraînement, celle du sport comme outil de bien-être. Je pense aux recommandations pour garder une bonne santé, dont l’exercice physique fait partie. Je pense aux pratiques type yoga qui échappe à cette vision qui nous dit que la progression passe forcément par la souffrance. Un sport sans douleur, c’est possible ? C’est quoi ?
Finalement, est-ce qu’il existe des bonnes ou des mauvaises raisons de s’entraîner ?
Essayons de décrypter ça ensemble !
1. Faut-il vraiment souffrir pour être musclé.e ?
Même si l’expression est très souvent employée au féminin, elle est également valable pour les hommes. L’enjeu ici est d’évaluer la pertinence de l’impératif selon lequel pour être beau ou belle il faut mettre son corps à l’épreuve de la douleur, dans mon cas à travers la musculation.
On doit alors s’interroger sur deux notions : la souffrance et la beauté. Aujourd’hui, notre société a tendance à réduire la beauté à une norme, à un seul type de corps, un idéal physique qui s’avère très rare dans la nature et difficile à atteindre. Ce qui peut être accompagné de contraintes financières car pour l’atteindre, il faudrait beaucoup de travail, beaucoup d’argent, quitte à acheter des produits chers, payer des coachs, etc.
En plus de toutes ces difficultés, cette vision représente un danger pour ta santé physique et mentale car tu es susceptible de développer des complexes, souffrances, troubles alimentaires, physiques et psychiques… De ce point de vue, l’expression prend tout son sens, et on serait tentés de répondre qu’être beau, ou belle, ou musclé.e semble incompatible avec l’idée de bonheur.
En revanche, si l’on considère la beauté autrement, comme quelque chose que l’on apprend, comme un état de paix par exemple, comme la réconciliation avec son corps et l’idée que nous sommes tous et toutes uniques, que l’on valorise de nouveaux référentiels, etc. Alors là, il devient possible d’être belle et beau sans passer par la souffrance. Au contraire, si le corps idéal est celui qui te convient, alors la notion de beauté devient inséparable de l’idée de bonheur.
Cela dit, attention à ne pas opposer body-positivisme et musculation.
Si l’acceptation de son corps semble être nécessaire au bonheur, le sport ne s’y oppose pas. Au contraire, l’effort et la discipline peuvent être source de plaisir. J’en fais souvent part dans mes vidéos et mes articles, mais l’effort physique permet de libérer des hormones, comme la dopamine et la sérotonine, dans notre organisme. Ces hormones vont qui contribuer au sentiments de bien être post-entrainement.
Une étude réalisée en 2008 par l’Inserm a prouvé que la pratique d’une activité physique régulière augmente le niveau d’estime de soi. Le sport est bon pour la santé car il retarde le développement de nombreux troubles et maladies liées à l’âge, il aide à lutter contre les troubles anxieux, le stress, la dépression.
Apprendre à aimer son corps passe aussi par sa connaissance et par la découverte de ce qu’il est capable de faire. C’est plus facile d’aimer un corps dans lequel on se sent bien, et dont on est fier.e. ! Une meilleure performance physique est aussi synonyme de liberté, on a une plus large gamme de mouvements, de possibilités…
En tant qu’être humain on n’est pas étanche aux injonctions de la société, c’est normal, il ne faut pas culpabiliser. Tant que l’on ne s’impose pas des références illusoires, il n’y a pas de mal à vouloir perdre quelques kilos, avoir des abdos, des jambes plus musclées… Le désir de se sentir beau et belle est naturel voire même excellent pour la santé. Il ne faut pas en avoir honte.
C’est la raison pour laquelle je préconise une pratique de la musculation où le plaisir a toute sa place. Je ne dis pas qu’il est possible d’y arriver sans effort, mais je dis que l’on peut prendre du plaisir dans l’effort. Pas seulement en se concentrant sur la récompense, mais en faisant de la musculation la récompense.
Bruce Lee a dit qu’il fallait toujours garder un équilibre dans le développement de la masse musculaire. Être large et bodybuildé, c’est bien, mais lui semble dire qu’être fort.e, c’est mieux. Il existerait donc une échelle de valeur entre un muscle esthétique et un muscle performant. Cela pose de nouvelles questions : qu’est-ce que ça veut dire être performant.e ? Qu’est ce qu’un exploit sportif ? Est ce que tout le monde est capable de réaliser un exploit sportif ?
2. Faut-il être musclé.e pour réaliser des exploits sportifs ?
Un autre aspect très valorisé du sport c’est l’exploit, la performance. Avant d’être une discipline à part entière, la musculation était utilisée dans le but de se préparer à d’autres sports. L’exploit sportif passait par une bonne préparation physique, c’est principalement là qu’elle intervenait. Surtout pour les hommes pour le coup, car pendant longtemps les femmes ne pouvaient pas pratiquer le sport de compétition.
La pratique de la musculation en tant que telle est arrivée avec la naissance de l’haltérophilie (où le but est d’avoir les muscles les plus puissants possibles) et du bodybuilding, ou culturisme (où le but est esthétique). Quand on pense musculation, on a tendance à l’assimiler au bodybuilding, une discipline à part entière. Si la musculation est une part importante du bodybuilding, les deux ne sont pas synonymes.
On la retrouve dans de nombreuses autres disciplines, mais seul le culturisme est un art de la performance dans lequel la musculation a pour but principal la construction musculaire. En haltérophilie par exemple, où elle est également très présente, la musculation est plutôt pratiquée dans un but de performance sportive.
En fait, pendant longtemps, la musculation était pratiquée de manière spécifique : dans un but de construction musculaire pour le culturisme, dans un but de performance musculaire dans le cadre de l’haltérophilie, et à moindre mesure par les sportifs en général (renforcement musculaire spécifique à un sport d’endurance, ou en puissance, ou en mobilité…).
Ça pourrait expliquer cette idée répandue autour de la musculation, qui dit qu’elle n’est qu’une étape vers l’exploit.
Un corps musclé devient alors dans l’imaginaire collectif un corps performant, mais quand est-il des autres ? Faut-il vraiment être musclé.e pour réaliser un exploit sportif ?
En fait, comme pour la beauté, cela dépend des références que nous avons. Les fédérations, la compétition imposent des normes physiologiques et esthétiques (être jeune, être valide, être grand pour le basket, être mince pour la danse classique, être capable de porter des poids très lourds en haltérophilie…).
Ces normes comportent certains avantages : cela nous donne des références qui permettent de battre des records, de se rencontrer, de progresser, de favoriser les connaissances sur le corps. De la compétition naissent des professions. Les règles demandent d’être créatif et créative (réaliser une passe décisive, mettre le coup qui fera gagner le match de boxe, inventer une chorégraphie etc.).
L’engouement autour des sports de compétition permet de lever des fonds et de pratiquer dans de bonnes conditions, il permet à des gens d’horizons très différents de se rencontrer, de partager un langage, des règles, des établissements…
Mais comme toute chose, il y a également des inconvénients : ce sont des règles qui excluent. Il est difficile de s’inscrire dans un club sportif si l’on est trop âgé, handicapé, bref, tout le monde n’a pas accès à la compétition. Donc l’alternative serait le sport comme loisir ? Même là, il est parfois compliqué pour certain.e.s de ne pas rester sur le banc. Est-il vraiment impossible de réaliser un exploit sportif lorsqu’on est “nul.le” ? Lorsque l’on n’est pas musclé.e ? Quelle alternative pour les gens ne rentrant pas dans les normes ?
Beaucoup de personnes ont contribué à l’évolution du sport et de ses pratiques. Je pense aux “rois et reines sans couronne” du sport, comme Surya Bonaly pour n’en citer qu’une, qui a inventé un mouvement sur la glace qu’on appelle aujourd’hui le “Bonaly”.
On peut également évoquer les pratiques libres (le parkour, le breakdance,…) qui sont nées et se sont développées hors des circuits de compétitions et des fédérations, et qui pourtant sont indissociables de la notion de performance. Dans les battles de break par exemple, il n’y a pas de distinction homme-femme, ou valide-invalide, pas de catégories d’âge, de taille, de poids…
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Si l’exploit se définit par la réalisation d’une action mémorable pour celui ou celle qui l’accomplit, une action sortant de l’ordinaire, alors quelqu’un qui reprend le sport après une maladie ou un accident, ou encore quelqu’un qui apprend à nager réalise un exploit !
En gros, un exploit ou une performance dépend toujours d’une norme plus ou moins arbitraire, ainsi l’exploit sportif existe bel et bien en dehors des règles du sport fédéré.
On peut même aller plus loin : si on déplace la référence, si la norme c’est toi-même, alors l’exploit sportif est possible pour tout le monde, et à tout moment, même les “nuls”. Une fois de plus, il suffit de redéfinir les règles de la performance pour comprendre que tout le monde est capable de réaliser un exploit, à tout instant.
Tout ça sous-entend une approche différente du sport, où la référence c’est nous-même. Une approche où le sport serait une méthode de grandissement personnel, d’affirmation de son individualité, d’émancipation, qui passe à la fois par l’apparence et la performance. Une pratique aussi mentale que physique.
Longtemps réservée aux compétiteurs et sportifs professionnels, l’avénement du fitness a ouvert la pratique de la musculation et sa démocratisation. Elle continue d’être utilisée par les athlètes de haut niveau pendant leurs entraînements, les bodybuilders, les haltérophiles, les crossfiteur.euses, mais aussi et surtout comme pratique quotidienne et amateure. Le muscle prend alors une valeur symbolique, promesse d’une longue vie et d’une bonne santé.
En s’affranchissant des normes de beauté et de performance, l’exploit sportif et l’épanouissement deviennent possibles pour tout le monde. Dans ce sens, il permet la revalorisation de soi, de gagner en autonomie, d’élargir le champ des possibles, d’intégrer plus de monde…
Ça me fait penser à une image très largement utilisée par les campagnes étatiques autour de la santé publique : le sport comme outil de bien-être collectif. Et ça passerait par une approche individuelle. Il faudrait donc s’entraîner pour atteindre le “bien-être” ? C’est ça, le sport sans douleur ? Ça ressemble à quoi ? Est-ce une idée qui suppose une pratique du sport raisonnée et raisonnable ? Différente d’une pratique visant la beauté ou la performance ?
3. Le bien-être : l’ultime raison de faire du sport ?
Une nouvelle raison de faire du sport, largement mise en avant depuis les années 1960 par les institutions publiques : la santé physique et mentale. Elle réduit les oppositions classiques entre exploit sportif – muscles performants et muscles esthétiques en englobant toutes ces impératifs en un : le bien-être. Il serait défini à la fois à travers l’aspect du corps, la performance du corps, et l’état d’esprit (corps sportif = corps en bonne santé = beau = performant = bien être).
D’après les recommandations, cela suppose une pratique du sport régulière, raisonnée, et raisonnable. Cela suffit-il à effacer la dimension de souffrance ? Et surtout, est-ce suffisant pour être dans une logique de bonheur ?
Je ne crois pas. Il est trop réducteur de penser que le sport est un outil magique contre la sédentarité, les maladies cardiovasculaires, les cancers, l’obésité, le vieillissement, la malbouffe… On peut faire du sport tous les jours, si on travaille trop, que l’on dort mal, que l’on ne mange pas correctement, que l’on n’y prend pas de plaisir, que l’on ne s’épanouit pas, alors ça ne fonctionne pas.
Il ne suffit pas d’imposer aux gens le sport comme si c’était de leur responsabilité personnelle, il faut proposer des solutions adaptées à tout le monde. Ça veut dire que je crois que quel que soit ton but de départ ; esthétique, performance ou santé, nous devrions tous et toutes avoir accès au sport, et nous pouvons tous et toutes le pratiquer dans une logique de bonheur. À ma petite échelle, c’est ce que je tente de valoriser dans ma méthode de musculation.
Personne n’a les mêmes raisons de faire du sport, les jeunes ne se soucient pas de leur santé, c’est normal. Tout le monde n’a pas les mêmes moyens donc le même accès aux coachs et aux salles d’entraînement, tout le monde n’a pas les mêmes capacités physiques… Bref, nous ne sommes pas tous égaux face au sport, à nous tous de réduire ces inégalités.
4. Il n’existe pas de bonne ou de mauvaise raison de faire du sport
L’exercice physique n’est qu’un outil parmi d’autres, qui peut être utilisé dans une logique de bonheur plutôt que dans une logique de souffrance et de récompense. Le bonheur ne se réduit pas à la santé, ou à la beauté, ou à la performance. C’est tout à la fois. Le bonheur est un ressenti, qui dépend de nombreux facteurs non quantifiables. On ne peut pas mesurer le bonheur ou le bien-être collectif avec des résultats sportifs, donc les recommandations ne devraient jamais être des normes obligatoires.
Cela dit, le sport est un outil puissant à s’approprier pour te sentir bien. Il peut jouer un rôle considérable dans ton quotidien, mais en même temps, si l’on met tous ses efforts sur soi-même, tout son temps libre, ça ne fonctionne pas non plus.
En fait, je crois qu’il ne faut pas se renfermer sur soi ou se mettre la pression pour être dans une logique de bonheur.
L’important est d’avoir des activités dans lesquelles on s’épanouit. Pour cela, je crois que peut importe la raison qui te donne envie de faire du sport, peut importe le but, l’important est de te concentrer sur le présent, d’en faire un plaisir, un jeu, et pourquoi pas un moyen de te plaire davantage et de gagner en performance.
Les différents aspects que prend le sport ne s’excluent pas les uns les autres. Le sport est tous ces aspects en même temps et même plus. Il doit être considéré dans un ensemble ; notre vie quotidienne. Il interagit avec le sommeil, l’alimentation, le travail… donc il ne peut pas être pensé séparément.
Si tu dois retenir une seule chose
Le corps idéal c’est celui qui te ressemble, celui dans lequel tu te sens bien et pas celui imposé par la société. En se détachant de l’idée qu’il n’existe qu’un seul corps beau, alors on peut réconcilier “musculation” et “body positivisme”.
On se sent plus libre dans un corps fort et fonctionnel et comme ça joue sur notre mental, ça joue aussi sur notre perception de nous-même. Il existe un lien étroit entre le corps et l’âme que tu ne peux pas ignorer ou effacer. Alors oui, se sentir performant.e c’est important, mais pour que la musculation reste accessible à tout le monde, il faut préciser que la performance ce n’est pas toujours ce que l’on croit.
Tout le monde peut réaliser un exploit !
Il est vrai que le sport est bon pour la santé, mais ce n’est pas une raison suffisante pour te faire culpabiliser si c’est dur de s’y mettre. Non, ça ne dépend pas que de toi, c’est aussi à nous professionnels de t’aider à maintenir une bonne santé, à être performant.e, à te sentir beau ou belle.
Et je crois qu’en te faisant culpabiliser de ne pas faire assez d’efforts, ou en te répétant que la récompense viendra avec la souffrance, on ne t’aide pas. À nous de t’aider à trouver du plaisir dans l’effort, à t’épanouir dans ton activité sportive. Qui que tu sois, et quelques soient tes moyens. Pour certain.e.s, ça passe par une recherche de la performance, pour d’autres par le jeu, pour d’autres encore par une perte de poids.
Ce qui compte, ce n’est ni la raison ni le but, mais de t’épanouir tous les jours dans ta pratique.
J’aimerais beaucoup connaître vos avis sur ce sujet. Si ma façon de penser te parle, je serai ravi de te proposer de mettre en application ma méthode par l’intermédiaire de mon coaching personnalisé de 3 mois. Ce suivi personnalisé comprend un programme sportif et un plan alimentaire à t’approprier !
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